16h30. Je quitte mon petit immeuble de la Butte Sainte-Anne. Les maisons cossues côtoient les petites bicoques, l'ancien nargue les maisons rénovées à grand renfort de bois et de baies vitrées. Je passe entre deux petits immeubles HLM tout en granit, membres d'une série de 5 ou 6 dressées en épi face à la Loire. Là, la Butte plonge dans le fleuve, les escaliers m'entraînent vers une petite zone de repos dédiée à Jules Vernes. Vue sur la Loire.
À droite, elle coule fièrement sous le pont de Cheviré, où les grues et les navires marchands nous rappellent que Nantes est encore un port en activité. Face à moi, le petit port de plaisance de Trentemoult m'offre une impression de vacances toute l'année. Je l'ai déjà écrit ici : non, Nantes n'est pas au bord de la mer, prenez une carte, vous verrez. Et pourtant. Désormais accessible par navette fluviale, au prix d'un ticket de tram, traverser la Loire vers Trentemoult offre des vraies vacances en moins de 20 mn...
Toujours face à moi émergent de la rive Sud quelques bâtiments historiques : clochers variés, autour de la cité radieuse de Rezé, bloc de béton signé Le Corbusier, haït par certains, adulé par d'autres, avec ses cellules colorées sur toute sa hauteur.
Plus à gauche, le fleuve s'élargit, puis se divise en deux bras en pénétrant dans le coeur de la ville. Au milieu, l'île Sainte-Anne, jointe à l'île Beaulieu depuis des décennies, à tel point que les deux forment une île unique désormais dénommée l'île de Nantes. L'usine Beghin-Say, splendide bâtiment bleu et blanc, y rappelle un passé industriel pas si lointain que ça, du temps ou les BN, Lu et autres Chantiers Dubigeon employaient la majorité des Nantais.

C'est là. Là que je vais vivre, bientôt, dans quelques semaines. Ni Nord-Loire, ni Sud-Loire. Loire, tout simplement.

Reprise du chemin. Les mômes dévalent la butte, couchés sur leur skate, entre mur et trottoir. Angoisse parentale. Cris et rires mêlés. Nous voilà en bord de Loire, rive nord, avec la pointe de l'île, et sa grue Titan préservée de la destruction par quelqu'association de sauvegarde du patrimoine industriel. Hangars déserts mais pas abandonnés. Et voilà, sur notre rive, l'embarcadère du Navibus pour Trentemoult. Résister à l'envie. Poursuivre sa route, le sourire aux lèvres. Le soleil déclinant me chauffe le dos et me donne l'envie de poursuivre.
Enfiler le pont Anne de Bretagne nous amène sur l'Ile de Nantes. Au bout du pont, la vieille Trocante a disparu, laissant pour seule trace l'ossature d'acier des nefs Dubigeon, et quelques pans de murs graffés de fresques artistiques. Nous voilà sur l'île, notre île. Tourner à gauche pour longer encore le fleuve. L'immense bâtiment noir se dresse maintenant devant nous, fier comme la Justice dont il abrite les tribunaux. Tout autour, des grues érigent les immeubles de demain, la ville nouvelle s'éveille, reliée à l'ancienne par une passerelle de bois et de verre. Continuer encore, aller au pont suivant, le pont Haudaudine, puis le suivant, le pont du Général Audibert. Sur l'autre rive, la nouvelle maternité du CHU ressemble à un TGV dressé à 30 mètres du sol. Face à nous, voilà le tram, la ligne 2, celle qui nous emmènera bientôt de chez nous vers le centre, vers les écoles, vers le boulot.

Depuis que je te connais, tu es en perpétuels travaux. J'aime ce constant mouvement, ce renouvellement permanent. J'aime ton climat, malgré ses saisons humides qui durent plus que de raisonnable. J'aime tes bâtiments pompeux et tes petites bicoques défraîchies. J'aime tes expériences architecturales ratées (qui a osé faire cette maison de rouille sur la butte ?), comme tes réussites. Successivement Parisien, Vannetais, Versaillais, Rennais, je t'ai découverte voilà 15 ans, tu m'as apprivoisé. Et je t'en remercie tous les jours.

Nantes, je t'Aime.