Mise à jour : Gmail, le mail de google, intègre désormais un module de chat, directement dans l'interface web. Voir ce billet.


C'est pas gagné. Ce sont les premiers mots qui me sont venus à l'esprit quand j'ai lu, au hasard du web, que Google Talk allait (enfin) mettre fin à la supprématie de MSN. Bien sûr, tous les partisans - philosophiquement, politiquement ou économiquement - des logiciels libres se félicitent de ce nouveau venu et affûtent leur clients Jabber pour se lancer dans l'aventure. D'autant que, si j'en crois Tristan Nitot (et je le crois), "Google Talk est sorti et il repose intégralement sur des standards ouverts". Alors, la fin d'un monopole de fait ? J'aimerais être aussi optimiste.

Statistiques domestiques
Mes craintes viennent essentiellement de l'observation ; j'ai autour de moi un petit laboratoire de quelques enfants et adolescents, six pour être précis, entre 10 et 16 ans. Voir évoluer l'usage qu'ils font du net n'est pas bien compliqué, surtout depuis qu'ils sont tous équipé de l'ADSL. J'avais par exemple créé un site pour nous tous avec Spip. Après deux trois essais de certains d'entre eux, l'outil était tombé en désuétude. Je pensais que c'était par manque de contenu à mettre dedans, par l'absence d'envie de prendre un peu de temps pour écrire.
Colossale erreur : dès que les blogs de Skyrock se sont multipliés, ils se sont jetés dessus pour se créer leur petit monde à eux. j'imagine que plusieurs raisons se sont conjuguées pour cela : la possibilité d'avoir un espace "à soi" sans aucune référence parentale ou adulte, la facilité et la gratuité de l'outil. Mais aussi et surtout l'effet de mode. A tel point que le mot commun pour désigner un site d'expression personnelle est, pour eux, non pas un blog, mais un skyblog.

Le cas MSN
L'utilisation de MSN a été tout aussi fulgurante. En quelques semaines, menés par les ainés, presque tous se sont créé un compte et ont commencé à retrouver les copains sur le réseau, n'importe quand, pour n'importe quoi : il n'est pas rare que, voulant contacter un copain, ils réclament l'ordinateur pour "voir si il est connecté", avant même d'avoir l'idée de lui téléphoner. Et je ne parle même pas du mail, qu'ils n'utilisent quasiment jamais. Pour eux, l'immédiateté est indispensable : un copain injoignable est un copain qui n'existe pas, jusqu'à sa prochaine connexion.
C'est pour cette raison que je vois pas du tout comment un système de messagerie quel qu'il soit pourrait supplanter MSN chez les ados. Autant essayer de créer un réseau de téléphones portables inutilisables par les mobiles existants. Dans un cas comme dans l'autre, le premier môme qui switcherait ainsi deviendrait invisible de ses copains ; il cesserait immédiatement d'exister et disparaitrait automatiquement de son (ses) groupe(s) d'appartenance(s).

Pas d'argument recevable
Face à cet état de fait - leur fonctionnement social et leur usage de MSN - un seul argument pourrait porter : l'arrivée d'un nouvel élément technique dans une nouvelle messagerie. Mais je ne vois pas de quoi il pourrait s'agir : le son et la vidéo, même de mauvaise qualité, ils l'ont déjà (enfin, si je passe sous silence le développement de MSN pour Mac, jy reviendrais un de ces jours), les transferts de fichier aussi. Alors quoi ? Je ne vois pas. Même dans le domaine de la musique, j'ai du mal à trouver. D'abord parce que avec le développement des DRM et les pressions des Majors, j'imagine mal Google lancer un système d'échanges gratuit. Un système de partage d'écoute non plus : ils ont de multiples conversations simultanées, et l'écoute de plusieurs morceaux en même temps risque de devenir rapidement cacophonique !

Attendre et voir
Reste donc à attendre et voir. Et à espérer qu'avec le temps, l'âge qui avance, la sagesse qui croît, la conscience politique qui se développe, ils verront rapidement que les monopoles provoquent rapidement l'uniformisation des outils et la sclérose de l'innovation. Non, décidément, c'est pas gagné.


(1) j'aurais aussi bien mettre ce papier dans le Monde est Politique ou le Monde est Noir, mais il fallait bien choisir !